Sierre-Zinal : la course des cinq 4000
Le 11 août 2019 Kilian Jornet a survolé l’épreuve de trail historique la plus relevée de la discipline qui relie Sierre à Zinal dans le Valais Suisse : 31 KM pour 2200m de montée, 1100m de descente. Il s'est imposé en battant de près de 4 minutes le record établi en 2003 par Jonathan Wyatt, plaçant sa marque à 2h25'35''.
Sierre-Zinal est considérée comme l’une des plus belles courses de montagne du monde avec un panorama exceptionnel et une ambiance chaleureuse. On a écrit qu’elle était à la course de montagne ce que le marathon de New York est au marathon. Elle est aussi la doyenne des grandes épreuves de montagne avec cette année sa 46ème édition. Kilian n’était pas encore né que je courais déjà cette épreuve en 1986. J’avais alors 16 ans. J’en avait gardé le souvenir d’une course magnifique mais si difficile qu’il m’a fallu plusieurs décennies avant de m’y engager à nouveau. Mais c’était là aussi une nouvelle épreuve car les 5300 dossards se sont vendus en 1H30.
Cela faisait déjà plusieurs mois que je me préparais en alternant sorties longues et dénivelés malgré une épine calcanéenne qui me faisait souffrir au réveil. Rien ne pouvait plus entamer ma motivation sauf peut-être ma confirmation d’inscription. J’avais le dossard 2075 V1H Tourist bloc 2 ! Quoi ? Moi qui cours toutes les semaines, qui me sacrifie pour préparer cette course on me qualifie de touriste ?! En effet, il existe 2 catégories selon le temps estimé :
- la 1ère : réservée aux coureurs (Elite dont je ne fais pas partie) bénéficiant d’un classement et courant en moins de 4H00. Départ à 10H00 pour les 2000 participants,
- la seconde : les touristes empreintant une variante moins roulante, les premiers KM avec 5 blocs espacés de 10 minutes. Premier départ à 4H45.
A ma connaissance, le trail est avec le marathon la seule discipline permettant de partager une course avec ses idoles. A Sierre-Zinal, non seulement tu cours sur le même parcours, mais une fois arrivé tu revis la course des élites en direct d’abord sur écran puis avec le public enthousiaste. C’est en sortant de la douche que j’ai entendu que Kilian courait seul devant… Et je repensais à ma course…
Sierre 560m : j’étais seul moi aussi parmi les 600 autres coureurs du Bloc 2, excité et angoissé sur l’hymne " Canto Ostinato " en prenant le départ à 4H55. J’ai décidé de prendre tout de suite à gauche préférant emprunter le single plutôt que la route goudronnée. Au fil des ravitaillements :
Beauregard 1146m - 3ème km : les 2 variantes se rejoignent et j’attaque du dénivelé soutenu en forêt pendant encore 5 km.
Ponchette 1870m - 8ème km : il fait jour. Je débouche sous les crêtes et découvre pour la première fois les 5 sommets de 4000m en fond de vallée. L’image est magnifique, je commence à courir sur des pentes plus raisonnables mais déjà en altitude.
Chandolin 2000m - 12ème km : ah, enfin une brève descente qui m’emmène vers le village de Chandolin. J’entends la musique couverte par les acclamations de la foule. Les spectateurs sont des milliers à nous encourager au son des cloches. Je repars confiant après m’être hydraté d’un bouillon chaud.
Tignousa 2180m - 16ème km : je n’ai pas vu le temps passer et je déroule bien sur les singles, heureux d’être là. Le terrain est agréable il doit faire 15° ressenti.
Hôtel Weisshorn 2337m - 20ème km : cela faisait un moment que j’avais son architecture massive en ligne de mire et puis soudain au détour d’un virage, l’hôtel se dresse devant moi comme un mur… En parlant de mur, je cale. J’ai mal à la tête, n’arrive pas à boire et ressens une baisse de tension. Je marche en attendant que ça passe. On prétend qu’à Sierre Zinal tu ne peux pas abandonner, il faut finir en marchant car on ne peut pas te rechercher.
Nava 2337m - 24ème km et j’ai toujours cette douleur qui me barre le front. Je n’arrive pas à courir régulièrement mais je m’accroche ça commence enfin à descendre. Faut dire que ça fait plus de 10 km que l’on est au-dessus des 2000m.
Barneuza 2210m - 27ème km. Le faut plat descendant m’aide à retrouver de l’énergie. Tout en bas je vois Zinal et j’entends déjà la clameur de la foule. J’en oublie mon mal de tête et m’engage sur les 3 derniers km tellement raides qu’il parait que si tu tombes tu gagnes 4 places…
Zinal 1680m - 31ème km : je quitte le bois et cours les 500 derniers mètres au milieu d’une foule compacte qui semble me connaître ?! Je passe la ligne accueilli par le directeur de course. On me remet ma médaille. Celle-là que j’avais tant désirée parce que fabriquée localement sur mesure et sertie d’un véritable morceau du Mont Weisshorn. Mon père qui m’attendait vient me rejoindre pour débriefer la course et partager ses impressions. Ma course ayant ravivé ses émotions de 1986. Attablés sous un chapiteau géant, nous profitons du repas offert et allons suivre la course en direct sur écran géant en attendant de voir arriver les premiers coureurs.
Sierre-Zinal est véritablement une course à part. Une ambiance chaleureuse, des centaines de bénévoles bienveillants et un panorama splendide. Je vous souhaite de pouvoir vivre un jour vous aussi cette course mythique, peut-être le 9 août 2020 !!!
En savoir plus : https://www.sierre-zinal.com/